CONVERGENCE LINGUISTIQUES : ÉTUDE DU PHENOMENE RESULTANT DE L’INTERACTION ENTRE LE SONGHAY SUD ET LE BERBERE SUD DANS LE CONTEXTE DU SONGHAY SEPTENTRIONAL (LA TADAKSAHAKT)

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Alou AG AGOUZOUM

Directeur de Recherche, Directeur du Laboratoire Langage-Pédagogie-Discours-Société et Didactique (LaPDSoDi) de l’Institut de Pédagogie Universitaire (IPU)

Directeur Général de l’IPU

Mahamadou AG ABDOUSSALAM

Membre associé du Laboratoire Langage-Pédagogie-Discours-Société et Didactique (LaPDSoDi) de l’Institut de Pédagogie Universitaire (IPU)

Résumé :

La convergence linguistique entre le Songhay sud et le berbère sud dans le contexte du songhay septentrional (la tadaksahakt) constitue le cœur de cette étude. Utilisant une approche contrastive basée sur la méthodologie de la linguistique comparée, l’objectif est d’identifier les particularités linguistiques du touareg et de la tadaksahakt à Ménaka, Mali, en vue de reconstruire leurs éventuelles parentés. Les résultats obtenus révèlent des similitudes morpho-phonologiques et lexicales entre le berbère du Sud et le songhay septentrional, transcendant les aspects socio-anthropologiques partagés par les Touaregs et les idaksahakan. Cette convergence linguistique offre un éclairage précieux sur les dynamiques d’influence et d’interaction entre ces langues, ouvrant ainsi des perspectives intéressantes pour la compréhension des échanges culturels et linguistiques dans la région.

Mots -clés : Linguistique comparée- Berbère Sud (BS)- Touareg-Tadaksahak-Songhay Septentrional (SS)-Songhay Sud

Question de recherche :

  • La question de recherche qui guide cette investigation est la suivante : « dans quelle mesure le songhoy septentrional (tadaksahakt) présente-t-il des influences, tant sur le plan phonétique, morphologique que lexical, provenant du berbère sud (le touareg) ? »
  • Hypothèse
  • L’hypothèse de départ suggère : « le songhoy septentrional (tadaksahakt) est le parler du Songhay le plus influencé, du point de vue phonétique, morphologique et lexical, par le berbère sud (le touareg) ».
  • Phonétique-phonologie du songhay septentrional et du berbère sud

Cette parie expose de manière succincte le système vocalique du songhay septentrional et du berbère sud, mettant en lumière les nuances et les similitudes qui caractérisent ces deux langues au niveau de leur phonétique respective.

  • Le système vocalique du songhay septentrional et du berbère sud

Le schéma n°1 vocalique ci-dessous offre une perspective détaillée sur la structure des voyelles dans ces langues, soulignant les traits distinctifs et les points de convergence essentiels à l’analyse comparative.

Schéma1 : Triangle vocalique

Source : Reproduit à partir des données du corpus de ce travail.

Le système vocalique et consonantique de la tadaksahakt présente un inventaire plus ou moins identique à celui des parlers du berbères  Sud. Néanmoins, du point de vue phonétique, le système vocalique touareg comporte des voyelles à valeur phonologique mitigée (ə et ă) selon Agouzoum (2019), qui rapporte la synthèse de la littérature dans le domaine. En tadaksahakt, en dehors de ce qui a été mentionné jusqu’ici, il n’a pas été possible de démontrer le statut phonologique de la voyelle centrale “ă”, étant entendu que la voyelle centrale « ə » n’est pas attestée en tadaksahak.

  • Le système consonantique du songhay septentrional et du berbère sud

Poursuivant l’exploration, le tableau n°1 ci-dessous présente globalement le système consonantique du Songhay septentrional et du Berbère Sud, révélant les spécificités et les convergences notables qui façonnent ces langues du point de vue de leur phonétique respective.

Tableau 1: Inventaire des consonnes

Source : Reproduit à partir des données du corpus de ce travail.

À l’exception de la consonne « c » en tadaksahakt, toutes les autres consonnes et leurs réalisations contextuelles sont connues dans les différentes variétés dialectales du touareg du Mali. En comparant les parlers du Songhay Sud, on peut remarquer qu’ils ne connaissent pas les emphatiques. De cette observation, on peut déduire que la présence des emphatiques dans le songhay septentrional (la tadaksahakt) peut être imputée à l’influence du touareg.

  • Comparaison des structures syllabiques du songhay septentrional (tadaksahakt) et du berbère sud (le touareg)

Le tableau 2 dédié à la comparaison des structures syllabiques entre le Songhay septentrional (tadaksahakt) et le Berbère Sud (le touareg), va se focaliser sur l’analyse approfondie des similitudes et des différences entre les deux langues, offrant ainsi une perspective détaillée sur leurs structures syllabiques respectives.

Tableau 2 : structure syllabique

Source : Reproduit à partir des données du corpus de ce travail.

La structure syllabique fermée maximale (C1VC2C3) du touareg est identique à celle de la tadaksahak. Cependant, la structure syllabique fermée minimale en tadaksahak se présente ainsi : C1VC2, tandis qu’en touareg, elle est formée d’une seule consonne : C.

En opposition aux structures syllabiques fermées dans les deux langues, la structure syllabique ouverte maximale en tadaksahak est C V1 V2 ; cependant, en touareg, elle est constituée d’une consonne et d’une voyelle (CV). La structure syllabique ouverte minimale en tadaksahak se présente ainsi : CV. Par contre, en touareg, elle se constitue d’une seule voyelle : V.

  • Eléments de morphologie et de syntaxique

Cette section analyse quelques éléments de morphologie et de syntaxe de deux parlers, explorant les aspects morphosyntaxiques qui caractérisent le songhay septentrional et le berbère sud. L’objectif est de mettre en lumière les divergences et les convergences essentielles dans la façon dont ces deux langues abordent la morphologie et la syntaxe.

  • Formation du pluriel

L’étude se concentre sur une formation particulière du pluriel en tadaksahakt. Ce type de pluriel est caractéristique de la tadaksahak, où lors de la transition du singulier au pluriel, un morphème pluriel est ajouté au nom singulier, entraînant ainsi une restructuration du nom. En revanche, en touareg et en Songhay du Sud, l’ajout du morphème pluriel prolonge le nom, comme illustré dans les exemples suivants :

Tadaksahak :

  • Singulier : Barrar ;
  • Pluriel : Barren.

Touareg :

  • Singulier : Aru ;
  • Pluriel : Arwen.
  • Marqueur génitif ou particule de liaison « n »

Le marqueur génitif ou la particule de liaison “n” en tadaksahak subit une gémination lorsqu’il se trouve en position intervocalique, se présentant ainsi sous la forme “nn”. En revanche, en touareg, ce phénomène ne provoque pas la gémination du marqueur génitif “n”, mais plutôt une modification de la valeur phonétique longue à la valeur brève de la voyelle qui suit le marqueur génitif.

  • Pronoms possessifs (PPoss)

Comme le touareg, les pronoms personnels autonomes en tadaksahak n’ont pas besoin nécessairement d’un support pour être utilisés dans le langage. Ils sont aussi préfixés.

Tableau n° 3: Morphologie des possessifs en  tadaksahakt

Source : Reproduit à partir des données du corpus de ce travail.

Tableau n° 4: Morphologie des possessifs en  touareg

Source : Reproduit à partir des données du corpus de ce travail.

  • Dénomination des chiffres

Le tableau ci-dessous présente la dénomination des chiffres dans les deux langues, mettant en lumière les similitudes et les variations dans leurs systèmes de comptage respectifs.

Tableau n° 5 : Appellation des chiffres

Source : Reproduit à partir des données du corpus de ce travail.

En ce qui concerne la dénomination, qui influence la morphologie des nombres, la tadaksahakt présente un système de comptage similaire à celui du touareg, à l’exception des chiffres 1 et 2 qui sont identiques à ceux du songhoy du sud.

Haut du formulaire

  • Place du possesseur dans la structure syntaxique

Du point de vue syntaxique, en tadaksahakt, l’ordre des mots diffère de celui du touareg, où le possesseur se place après le marqueur génitif. Bien que la tadaksahakt utilise le marqueur génitif “n” de manière similaire au touareg, son ordre inversé rappelle la syntaxe des langues songhay.

  • aɣn aɣáanib= mon stylo (tadaksahakt) ;
  • ara-nin (touareg)

Pour la tadaksahakt, la deuxième voyelle du pronom est supprimée, tandis que pour le touareg, c’est une consonne (marqueur génitif) qui intervient pour éviter le contact entre les deux voyelles. Il convient de souligner que le marqueur génitif “n” n’est pas attesté en songhay. Il est donc venu du berbère pour la tadaksahakt.

On remarque que les éléments marquant la possession en tadaksahakt sont préposés, rappelant ainsi la morphologie générale des langues songhay. En revanche, en touareg, les pronoms possessifs sont postposés. La tadaksahakt, tout comme tous les parlers songhay, ne connaît pas de pronoms de possession. Il suffit de préposer les pronoms personnels pour exprimer la possession.

En guise de Conclusion

L’enquête de terrain menée auprès des locuteurs de la tadaksahakt et du touareg a révélé qu’ils ne se comprennent pas de manière spontanée. On en déduit que les deux parlers sont séparés par un isoglosse de nature grammaticale. Selon les résultats, on observe un adstrat. Le songhay septentrional (tadaksahakt) occupe la position d’un superstrat. On peut conclure principalement qu’il s’agit, dans le cas présent, d’une convergence linguistique, étant donné qu’elles sont toutes parlées dans la même zone géographique.

Eléments de Bibliographie

  1. AG AGOUZOUM Alou, 2019, Eléments de description phonologique et morphologique du tamasheq, dialecte standard du Mali en vue de son utilisation à l’école dans un contexte bilingue, Thèse de Doctorat, Paris, INALCO
  2. AG AGOUZOUM Alou, 2016a, Enseignement Bilingue tamasheq/français au Mali, Allemagne, Paf
  3. AG AGOUZOUM Alou, 2009, Articulation Famasheq / Français, cas des étudiants de la FLASH, Mémoire de DEA, Institut Supérieur de Foormation et de Recherche Appliquée (ISFRA) de Bamako-Mali, .
  4. AG AGOUZOUM Alou, et al, 2008, Influence des langues nationales sur le Français des lycéens et Étudiants : cas des locuteurs tamasheq du District de Bamako -Mali, Bamako, ROCARE / ERNWACA
  5. AG AGOUZOUM Alou, 1999, Étude contrastive de quelques éléments morphophonologiques de deux dialectes du Tamasheq parlés dans le cercle de Ménaka : la tawəlləmmədtet la tadǎbakart. Bamako, ENSUP, (M).
  6. Christiansen-Bolli, R.(2010) A grammar of Tadaksahak a northern Songhay language of Mali. Doctoral Thesis
  7. Regula Christiansen-Bolli et Harry Stroomer A grammar of Tadaksahak a Berberised Songhay Language (Mali)
  8. Catherine Taine-Cheikh Les langues berbères méridionales et les relations Sud-Sud dans l’histoire Dans Études et Documents Berbères 2021/1-2 (N° 45-46), pages 329 à 340
  9. Oumarou Boukari , De la possibilité de rapprochement entre la négation dans le songhay et les langues du Maghreb Revue Sciences, Langage et Communication Volume 1, N°1 (2016)
  10. Roger Blench & Lameen Souag SAHARAN AND SONGHAY FORM A  RANCH OF NILO-SAHARAN
  11. Nicolaï (1984) “Préliminaire à une étude sur l’origine du Songhay: Matériaux, problématique et hypothèses”. In: Marburger Studien zur Afrika- und Asienkunde, Serie A: Afrika 37. Berlin: Dietrich Reimer.
  12. Nicolaï (1990). “Songhay septentrional et touareg: contacts de langue et contacts de populations”. In: Proceedings of the Fifth International Hamito-Semitic Congress, ed. by Hans G.Mukarovsky. Wien: Afro-Pub, pp. 147-162Graphique n°1 : Quelques parlers, groupes de parlers et sous-groupes de la langue berbère
  13. NICOLAI R., « Véhicularisation, Vernacularisation et situations créoles en Afrique. Le cas du Songhay », in Langage et société´, 1985, Nº 3, 41-60.
  14. Mohamed Tilmatine, Un Parler berbère Ro-Songhay du Sud-Ouest Algerien (Tabelbala) : Eléments d’histoire et de linguistique in Etudes et documents berbères, 14, 1996. pp. 163-197
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